Les Françaises, en particulier les jeunes, le savent-elles ? Environ 8.000 des 61.000 nouveaux cancers du sein par an sont dus à l’alcool et boire un verre par jour suffit à en accroître le risque.
Avec 105,4 cas pour 100.000 habitants en métropole, la France a la plus forte incidence de cancer du sein au monde. Détectée tôt, la femme en guérit dans 9 cas sur 10.
« En consultation, assez souvent, les femmes ne s’interrogent pas sur les facteurs de risques les plus évidents, comme l’alcool, mais sur les déodorants ou les soutien-gorges, dont elles ont entendu parler sur les réseaux sociaux. Or, ce ne sont pas ceux démontrés scientifiquement », explique à l’AFP Emmanuelle Mouret-Fourme, médecin oncogénéticienne à l’Institut Curie, à Paris.
Pourtant, « plus de 50 études mettent en évidence le lien entre consommation d’alcool et cancer du sein », souligne-t-elle.
« L’alcool est un perturbateur endocrinien, c’est vraiment l’un des plus gros facteurs de risque qui existe, devant l’obésité », explique Suzette Delaloge, oncologue spécialiste du cancer du sein.
Pourtant, « c’est super difficile de se dire que boire de l’alcool augmente le risque de cancer du sein. Ça n’est pas très intuitif, les personnes ont du mal à adhérer à ça », admet-elle.
Le programme pionnier de l’institut français Gustave-Roussy qu’elle supervise, Interception, propose une prévention personnalisée aux femmes à « risque augmenté » de cancer du sein (génétique familiale…) avec un accompagnement global, notamment nutritionnel, incluant l’alcool.
« Très grande sensibilité »
Un lien direct entre consommation d’alcool et cancer a été établi pour sept cancers, dont le sein : ceux du côlon-rectum, de l’œsophage, du foie, de la cavité buccale, du pharynx et du larynx.
Toutes les boissons alcoolisées sont concernées : bière, vin, spiritueux.
« Souvent, on pense que c’est en descendant le long du tube digestif que l’alcool est dangereux », note Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue française contre le cancer. Or, « il se répand dans le sang et touche tous les organes ».
Une fois ingéré, l’alcool est métabolisé et l’éthanol (alcool pur) produit alors de l’acétaldéhyde, un composé toxique qui peut dégrader l’ADN des cellules mammaires.
En outre, l’alcool perturbe l’équilibre hormonal, notamment les niveaux d’œstrogène, au rôle crucial dans la prolifération des cellules cancéreuses.
Or « si, pour le cancer du foie, on estime risqué de consommer trois à quatre verres standards par jour, il y a une très grande sensibilité pour le cancer du sein : un verre par jour suffit », explique M. Ricard.
En février 2025, la Haute Autorité de santé a alerté sur la vulnérabilité accrue des femmes face à l’alcool : il entraîne chez elles des dommages plus graves et plus rapides, ou spécifiques comme le cancer du sein, que chez les hommes. Ces risques doivent être mieux évalués et accompagnés au plan médical, a-t-elle recommandé.
Il y a dix ans, après son cancer du sein, Laure Guéroult-Accolas a fondé Patients en réseau, une plateforme qui facilite le quotidien de malades et de leurs proches. « On a créé des groupes d’échanges sur la s3xualité, le tabac, le travail… Et pas l’alcool ! C’est une question profondément taboue », expose-t-elle.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, bien d’autres facteurs accroissent le risque de cancer du sein : âge, obésité, antécédents familiaux, exposition aux radiations, antécédents gynécologiques, tabagisme, certains traitements hormonaux de la ménopause…
Mais un cancer du sein sur deux touche une femme qui n’est pas concernée par les risques identifiés, et d’autres facteurs doivent être explorés, comme le travail de nuit, la pollution, l’alimentation transformée, les perturbateurs endocriniens des cosmétiques, notamment.
© AFP